Quand je serai enfant, je rêverai à nouveau. Il y aura des monstres sous mon lit mais j'utiliserai mon arme la plus puissante pour les faire fuir : une veilleuse. Je dessinerai des maisons un peu bancales, des portes d'entrée disproportionnées, des soleils qui sourient, des arbres au feuillage tout rond et tout vert, des bonhommes en pictogrammes. Je me satisferai de ces chef-d’œuvres. Je les offrirai à quiconque l'acceptera comme un cadeau d'une valeur inestimable. Je me vexerai puis finalement, je me ficherai de ce que les autres en pensent. D'ailleurs, je me ficherai de ce qu'ils pensent tout court.
J'écrirai mille et une histoires et réinventerai tout autant de happy end. Pour de faux, je sauverai le monde des méchants, de la famine et des bébêtes qui piquent en espérant qu'un jour ce sera pour de vrai. J'aurai tous les supers pouvoirs mais surtout celui de rendre les gens heureux. Puis je jouerai à des jeux où les gentils triomphent toujours et où les méchants sont juste des gentils qui ont joué un rôle. Evidemment, je détesterai perdre alors j'accepterai de considérer que tout le monde a gagné.
Je serai idéaliste et surtout naïf pour croire en l'impossible. Je m'imaginerai que les arc-en-ciel sont des toboggans pour que les gens au ciel ne s'ennuient pas. Je fabriquerai des avions en papier en espérant qu'un jour ils me permettront de décrocher les nuages. Je ne comprendrai pas comment ce Père-Noël si costaud, avec lequel on m'a pris en photo, fait pour passer par une cheminée si étroite. Mais je ne m'en inquiéterai pas, du moment qu'il y a des cadeaux. Je regarderai par la fenêtre cette neige qui a tout recouvert en pensant que c'est mon papa qui a fait ça rien que pour moi.
Je me sentirai plus riche avec 100 pièces de 1 centime qu'avec 1 billet de 100 euros. Je serai le plus comblé du monde avec quelques bonbons et d'autant plus fier de les avoir achetés avec mes petites pièces. Je serai à l'agonie pour une simple éraflure mais immédiatement sauvé par un souffle magique de maman et un pansement Mickey Mouse. Je me penserai immortel et condamné à vivre dans le bonheur pour toute la vie. Je serai triste d'avoir perdu mon doudou mais rassuré une fois retrouvé. J'aurai les meilleurs parents du monde et un frère parfait parce qu'il exécute les idées pas toujours de bon goût que je lui ai données. Je serai déçu d'avoir fait de la peine à mes proches mais tellement heureux d'avoir pu me racheter et me faire pardonner. On me félicitera d'être gentil sans me reprocher de l'être trop.
Je me poserai des questions sur ce qui m'entoure. Je serai fasciné par une simple fourmi en m'interrogeant sur ce qu'elle fait là et subjugué par cette lune bien accrochée la haut et qui ne tombe jamais. Je me demanderai pourquoi la plupart des adultes rêvent juste de gagner au loto, d'être riche, ce qui les rend parfois si durs entre eux, au point de s’entre-tuer au lieu de s'unir pour un monde meilleur. J'en voudrai aux crétins irresponsables qui les ont laissé jouer avec des armes... Je ferai des colères sur fond d'injustice parce que personne ne les a punis... Je leur expliquerai qu'il y a des combats bien plus nobles, des rêves bien plus grands que l'argent, comme construire un monde sans violence, trouver des remèdes pour soigner celui qui souffre ou ne pas me gronder parce que j'ai donné mes gants à un copain qui avait froid aux mains...
Hélas, je tomberai de haut et je pleurerai éternellement d'apprendre toutes les horreurs qu'ont commises ces adultes, tout au long de leur histoire en me demandant comment autant d'enfants innocents sont devenus des coupables.
Quand je serai enfant, je regarderai les adultes en me disant qu'on fait vraiment n'importe quoi à cet âge là...
Opmerkingen