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Quand vient l'erreur

Dernière mise à jour : 24 mai 2019

Comment vais-je pouvoir rattraper mon erreur ? Impossible, je n'aurai pas le temps. Ça y est, je suis inquiet et cette erreur est là qui m'obsède. Quelles conséquences peut-elle avoir ? Rien de grave, c'est le plus probable. Catastrophique, un risque sur 1 million... Mais ce risque existe. Et s'il survenait ? Juste parce que c'est possible, je ne pense qu'à ça. J'aimerais tellement pouvoir classer les événements selon leur probabilité de concrétisation au lieu de les classer par la gravité de leur conséquence.


Cette erreur tourne en boucle dans mon esprit. C'est un problème et je n'ai aucune solution. Il faut pourtant que j'en trouve une... La nuit est là et le sommeil est bien loin. Les heures passent, je viens de rater ma soirée en famille. "Papa est ailleurs"... Et je m'en veux d'être comme ça, incapable de me libérer de la moindre de mes erreurs au point d'en impacter mes proches bien malgré moi. J'aimerais tellement savoir couper le flot de mes pensées, casser les murs de mon cerveau sur lesquels rebondissent mes réflexions et finissent par faire des milliards d'échos.


Je n'accepte pas mes erreurs. Souvent, je me rends compte de celles-ci presque au moment où je les ai faites. Enfin, ce n'est pas si simple, c'est d'abord une sensation. Dans ma tête, il y a un truc qui "sonne faux", un truc qui me fait sentir que quelque chose ne va pas. C'est comme si un brouillard dense m'avait envahi, mes pensées s'emballent subitement dans tous les sens, incohérentes. Je ressens même une pesanteur sur mes épaules et extérieurement, je n'avance plus. Avec l'âge, je sais ce que signifie : "Ça y est, j'ai merdé quelque part"... Et l'angoisse supplémentaire, c'est que je ne sais pas encore exactement sur quoi. Voilà, je m'enferme dans ma bulle. Mon mutisme, mon retranchement et mon regard vide en sont les signes extérieurs...


C'est une question de temps avant que la raison de mes tourments se révèle, quelques secondes, quelques jours, quelques mois... Et avant même de savoir exactement mon erreur, je suis déjà harcelé par mon inconscient qui ne me lâche pas et me rappelle constamment ce truc qui ne va pas, ce compte à rebours dont je ne ne connais pas la durée mais à la fin duquel mon erreur va exploser aux yeux de ma conscience. Ma mémoire est à double tranchant, je sais que la cause de mon anxiété m'est connue mais impossible de m'en souvenir volontairement...


Alors, je me fais des films, un vrai cinéma dans ma tête. Je me repasse tout ce que j'ai réalisé récemment, j'essaie de voir où se trouve cette erreur que j'ai commise. Chaque scène est disséquée, mes actes, mes paroles, le contexte. Chaque détail compte. J'essaie de réunir tout ce dont je me souviens pour y trouver la faille. Mince, je ne vois vraiment pas, je tourne en rond. C'est peut-être un oubli, une négligence... Je ne trouve toujours pas. Alors je recommence tout à zéro et j'y ajoute des éléments que j'aurais pu oublier dans mes souvenirs, tout ce que j'ai pu potentiellement faire machinalement. C'est à cause de ça que je déteste l'imprévu et qu'on change mes habitudes. Cela signifie que je dois refaire tous mes repères qui ne sont rien d'autres que des attitudes identiques répétées quotidiennement, des "tocs".


Chaque jour, dans tout ce que je fais, j'applique toujours la même routine. Ayant toujours le doute sur tout, c'est le moyen le plus sûr dont je dispose pour savoir ce que j'ai fait sans avoir à le retenir. Je sais qu'il est impossible de tout mémoriser mais ne pas me souvenir est une angoisse si violente que je suis obligé d'essayer de me rappeler de tout. Le plus simple est donc de faire toujours les mêmes actions. Déplacer mes affaires, changer mes habitudes, c'est m'obliger à tout recommencer et c'est me mettre dans une angoisse profonde qui ne s'estompera que petit à petit, au fur et à mesure que je me serais reconstruit une routine. Tout est lié, si je n'ai plus mes repères, je ne pourrai pas faire appel à eux en cas de besoin, notamment lorsque je ressasse tout ce que j'ai fait qui aurait pu aboutir à cette erreur que je pressens... C'est peut-être ça le fonctionnement en arborescence.


Et quand enfin je mets le doigt sur mon erreur ou quelle m'est révélée par un tiers, les tourments ne cessent pas, bien au contraire. Il faut que je la corrige. Je repars sur de nouveaux films et tout autant de scénarios, j'envisage toutes les solutions possibles s'il en existe. Et s'il y en a pas ? Je n'envisage jamais ce cas de figure car s'il y en a pas, ce n'est pas parce qu'elles n'existent pas mais parce que je n'ai pas assez réfléchis... C'est l'enfer. Il faut que je trouve, il le faut pour que ma culpabilité qui s'ajoute à mes tourments ne m'écrase pas plus qu'elle ne le fait déjà.


Soudain, une idée, il est 3 heures du matin. Est-elle bonne ? J'y réfléchis, la peaufine et l'exécute mentalement. Je doute encore, il faut que j'essaie. J'attends le réveil ? Non, si je me rendors, mon idée va s'échapper en laissant juste un lointain souvenir que je l'ai eu sans que je me rappelle en quoi elle consistait. Il faut que je la note... Pas de stylos, pas de feuilles. Je me lève en me répétant cette idée en boucle pour ne pas la perdre. Mon cerveau part tellement dans tous les sens que des pensées parasites, ne serait-ce qu'une seconde, pourraient la corrompre. Je la note mais je doute des mots et de leur sens. Vais-je me comprendre quand je me relirai ou en aurai-je perdu le contenu exact ? C'est terrible de douter de tout, c'est encore pire de douter de son propre fonctionnement.


Puis il y a les conséquences de mes erreurs. Là aussi je gamberge. Encore des films... Chaque conséquence possible, même très peu probable, est envisagée. Et si en plus, il y a un impact sur autrui, matériel, moral ou physique... Mais finalement tout cela, ce n'est rien. C'est mon quotidien, mes jours et mes nuits depuis tout le temps, ce le sera tout au long de ma vie... J'ai l'habitude. Non, vraiment, il y a pire. Le pire c'est quand l'erreur n'est pas la mienne mais que tout ce que je viens d'expliquer s'enclenche. C'est quand je me sens coupable de ce que les autres ont mal fait surtout si je me rends compte à posteriori que je pouvais leur éviter de le faire... Le problème ? C'est que ce genre de situations, j'en ai des dizaines qui se cumule chaque jour !


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